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C'est parfois par une contrainte que notre liberté se révèle


Et voilà… Je reviens à peine de mission que je me retrouve avec mon père sur les bras. A nouveau, j’ai droit à tout un discours sur le fait que j’ai pas mal dévié de mes objectifs originels. Disons même qu’au lieu de remplir simplement cette fameuse mission en question, j’ai encore été au cœur de situations explosives dont je suis l’unique responsable en réalité. Mais il faut savoir que je fonctionne comme ça : si tu m’envoies chercher un truc et que, sur le chemin, je vois quelqu’un se faire manipuler, se faire violenter ou se faire abuser, je vais intervenir. C’est dans ma nature, je ne suis pas particulièrement bagarreur, tout autant que je ne peux supporter de voir des injustices se réaliser sous mes yeux. Il s’agit certainement de quelques restes de l’époque où je n’étais qu’un bâtard des rues qui avait dû s’accommoder de son malheur et de l’absence de chance et de crédit que les autres pouvaient lui accorder. M’enfin…
Comme d’habitude, il me sort le même blabla, entre autres, parce que j’ai été sur le terrain. Mais il est con ou quoi ? A quoi bon m’éduquer et me faire suivre un entrainement d’espion durant toute mon adolescence si ce n’est pour que je n’aille sur le terrain, vous pouvez me le dire ? Bon, d’accord… S’il la fait, c’est pour que je sache comment ça fonctionnait, comment on dirigeait une agence telle que l’APO. Et, surtout, pour que je sois à même de pouvoir former de nouvelles recrues le moment venu. Je connais son discours : la rengaine habituelle de « je ne t’ai pas choisi pour être un agent mais pour reprendre mon poste ». Mais qu’est-ce que j’en ai à foutre de son poste et de son foutu bureau ? Je suis pas quelqu’un qui est conçu pour rester dans une pièce huit heures par jour devant une montagne de paperasse. Ma vie à moi, c’est la liberté, c’est le terrain !
Ce que j’aime dans l’espionnage ? C’est de pouvoir faire face à l’impossible. On m’a toujours considéré un certain talent pour improviser avec les éléments que j’avais à portée afin de me sortir des pires situations les plus inimaginables sans même devoir faire appel à une arme à feu quelconque. Et pour cause, je réprouve totalement l’usage des armes à feu. Quand j’étais jeune, c’était l’exercice que je préférais pourtant. Seulement, quand t’es un jeune gamin de 14 ans qui s’amuse avec un automatique, ça ne peut que mal tourné et, à l’époque, ma bêtise fut responsable de la mort d’un de mes meilleurs amis de l’époque. J’avais voulu jouer les grands et les fiers tireurs… Et j’avais ôta la vie d’un gars innocent en tout point. Ce jour-là, je dis définitivement adieu à toute arme à feu et à toute forme d’assassinat quelconque. Cela me dégoutait trop…
Fort heureusement, savoir tuer n’est pas la seule chose que l’on demande à un espion d’une organisation telle que la nôtre. Il faut aussi savoir saboter, savoir voler des informations, savoir tromper et faire preuve de miracles pour remplir les ordres les plus farfelus qu’ils nous arrivent de recevoir. Et, jusque-là, je n’ai jamais connu une situation qui me résistait. J’aime mettre mes connaissances à l’épreuve. J’aime être face à un problème pour devoir le résoudre. Homme d’action doué d’un esprit de réflexion à la soif intense d’énigmes… Ce n’est pas pour rien que j’ai pris un pied total durant ma formation universitaire. Vous n’imaginez pas tous les problèmes théoriques et pratiques que l’on vous impose afin de dénouer les mystères de la chimie et de la physique. Et, surtout, en apprenant autant de ces deux univers, vous n’imaginez pas à quel point vous êtes capable de maîtriser une grande partie du monde, avoir une connaissance et un pouvoir sur les éléments vous permettant de ne connaître aucune limite.
M’enfin, je ne suis pas là pour faire un étalage de mes capacités intellectuelles, même si elles sont souvent mises à l’épreuve. Non, le nœud du problème demeure cette éternelle situation conflictuelle que je peux avoir avec mon père adoptif. Au lieu de me beugler dessus comme un âne, il devrait surtout être content que je sois rentré directement après ma mission pour une fois. Car, oui, je suis quelqu’un de très libre et de très nomade. Mon dada ? Mon véritable plaisir ? C’est de pouvoir partir barouder autour du monde sans devoir rendre de compte à qui que ce soit. Et cela est parfois un cauchemar pour l’APO, ou pour ses hautes têtes en tout cas. Ne rendre, pour ainsi dire, aucun rapport sur mes missions. Demeurer dans la nature jusqu’à répondre présent pour une mission une fois que l’on a fini par me mettre la main dessus. Et choisir moi-même de rentrer ou non , selon mes propres besoins… Comme Sarina, ma belle-mère par exemple. Vu ce qui nous relie, il est important qu’on sache s’accorder un peu de temps et, vu que je ne peux pas me permettre de l’inviter constamment à faire le tour du monde, à l’exception de petites escapades occasionnelles, ben faut bien que revienne faire acte de présence.
D’ailleurs, en parlant de Sarina… C’est dommage que ça la mettrait elle-même dans la merde mais, quand je vois mon « père » s’exciter avec ses certitudes et tout ce qui s’en suit, je lui rabattrais bien le caquet sur le fait qu’il se fait tromper à tout va et que, même moi, son unique héritier, je me tape son épouse sans le moindre remord. Certes, je la trouve dégueulasse d’agir comme elle le fait mais, les hormones, que voulez-vous ? Avec elle, j’arrive pas à contrôler ça et, même si on essaie de se détester, ça finit toujours de la même façon… Mais, en fin de compte, ce n’est peut-être pas plus mal. Je ne me sens pas homme à me fixer avec une personne et à construire sa vie de couple pépère… Ou, en tout cas, je n’ai pas encore rencontrer LA personne capable de me faire ressentir ça. Même si je dois dire qu’avec une américaine, je suis pas mal perdu entre les envies que je peux éprouver. Mais bon, je profiterais certainement à l’un de mes voyages sur le continent de l’oncle Sam pour mettre ça au clair.
Voilà, il a fini de me gueuler dessus. Ma réaction ? J’hausse les épaules comme si de rien n’était. Que ce soit de sa part ou de la part de quelqu’un d’autre, je n’aime pas l’autorité et encore moins qu’on essaie de me diriger. Disons que, vu qu’il est celui qui m’a sorti de mon trou, je tempère un peu ma réaction car je lui dois beaucoup mine de rien. Donc, au lieu de partir en guerre, je me contente de lui balancer mon dossier sur son bureau et de tourner les talons. On se recroisera à l’occasion pour une conversation plus calme ou plus hargneuse, en fonction du hasard. Mais là, pour l’heure, j’ai mieux à faire et plus plaisant surtout… Autant prendre une pause charnelle et jouissive avant de reprendre le départ. Oui, Shawn le baroudeur… Quel pied ! Et comptez sur moi pour que ça ne s’arrête pas de sitôt !