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Someone that you think that you can trust is just another way to die...

Huit heures du matin, les lumières s’allument, une nouvelle journée commence. Voilà maintenant deux ans que Genesis à rejoint les rangs de la CIA et pour le moment elle n’a pas vraiment à s’en plaindre. Le temps où elle mâchouillait du chewing-gum comme une vache, s’habillait comme un sac et se moquait éperdument de tout est à présent révolu, aujourd’hui, elle est une toute autre personne. Lorsqu’elle a l’occasion de se voir dans un miroir, ce n’est plus une adolescente qu’elle y voit, mais bien une femme. Cheveux longs et lisses parfaitement brossés, pas de maquillage vulgaire, port de tête impeccable, des formes qui attirent l’œil, elle a même gagné en muscles grâce à sa pratique intensive des sports de combats. Ici personne ne se soucie de savoir qu’elle n’a jamais connu ses véritables parents ou de savoir ce qui a provoqué de telles cicatrices dans son dos, elle est une recrue comme les autres qu’on forme pour devenir une espionne, et depuis son arrivée, elle en a appris des choses. Langues étrangères, informatique, infiltration, maniement des armes, combat rapproché, profilage, déminage, la liste est tellement longue que dans les premiers temps, elle en avait presque le tournis et n’arrêtait pas de se demander comment on pouvait emmagasiner autant de choses sans avoir la tête qui explose. A présent, la question ne se pose plus, elle va d’un cours à un autre, fait les exercices qu’on lui demande, donne le meilleur d’elle-même lors des évaluations et attend patiemment qu’on se décide enfin à lui faire passer son examen final. Depuis qu’elle est arrivée, cinq de ses camarades sont passés au niveau supérieur, et sur ces cinq personnes, seules trois se sont montrées aptes à devenir agent de terrain, les deux autres ont été pour leur part redirigées vers un travail de bureau non sans être déçues. De son côté, Genesis espère vivement devenir agent, car même si elle a changé de mentalité, il n’est cependant pas question pour elle de finir ses jours derrière un bureau après autant d’efforts.

── Allez on se bouge là dedans, le bus décolle dans une demi heure ! S’exclame l’un des nombreux responsables de sa formation en cognant à plusieurs reprises à la porte de sa chambre.

La brune ne traine pas une minute de plus, pour une fois qu’ils vont pouvoir mettre le nez dehors, il n’est pas question d’arriver en retard. Elle passe sous la douche, s’habille avec son habituelle tenue de sport puis descend jusqu’au réfectoire pour prendre son petit déjeuner.

── Hey Gen’, t’as une idée d’où on va aujourd’hui ? Lui demande l’un de ses camarades une fois qu’elle est à table.
── Absolument pas, mais je t’avouerais que la de suite je m’en moque un peu du moment qu’on puisse enfin voir le jour et respirer un peu d’air frais. Répond son interlocutrice en avalant ces céréales.
── Te réjouis pas trop vite là-dessus, j’ai entendu dire que les vitres seraient teintées, alors la seule chose que tu pourras voir ça sera le garage et l’intérieur du bus. Rétorque un autre de ses voisin.
── Merci Jimmy, grâce à toi ma journée vient de perdre tout intérêt.
── Je t’en prie tout le plaisir est pour moi. Plaisante-t-il avant de s’éclipser.
── De quoi ils ont peur ? Questionne le premier toujours présent.
── Eh bien étant donné qu’on est à la CIA, je dirais qu’ils ont peur qu’on reconnaisse le chemin qui mène à La Ferme et que quelqu’un essaie ensuite de s’échapper…
── Faudrait vraiment être dingue pour se tirer. Ici, on est logés, nourris, blanchis, on nous apprend même à devenir de vrais James Bond.
── Va savoir, y en a peut-être qui préfèrent OSS117 ou S.A.S.

Son interlocuteur esquisse un sourire même s’il n’a pas vraiment compris la subtilité de ses propos. Lui non plus n’a pas fait de grandes études avant d’atterrir ici, en vérité il n’était pas loin de devenir sans domicile fixe, mais grâce à la CIA il changeait littéralement d’existence, faisant lui aussi (tout comme Genesis) parti intégrante de ce petit groupe spécial de personnes qui n’ont pas la moindre attache dans la vie et qui son parfaitement malléables. On leur donne des ordres, ils obéissent et c’est tout. Ils ne se posent pas de questions, se fondent plus facilement dans la masse et passent facilement à autre chose, comme s’ils jetaient un simple mouchoir à la poubelle.

── On ferait mieux d’y aller si on veut pas être en retard. Souffle la brune après avoir avalé le contenu de son bol.

L’autre acquiesce, ils se lèvent, portent leurs plateaux jusqu’au chariot le plus proche et se dirigent ensuite vers le garage où les attend le fameux bus qui doit les emmener vers une destination inconnue. A l’intérieur, d’autres recrues sont déjà installées y comprit celles qu’on espèrerait ne pas voir dans ce genre de sortie, et qui évidemment on prit les meilleures places dans le fond. C’est dingue comme les comportements peuvent être les mêmes qu’ à l’époque où tous étaient encore à l’école, malgré l’âge avancé des protagonistes.

── Allez, tout le monde s’assoit et se tait, le temps que je vérifie s’il manque quelqu’un…

Même les instructeurs se comportent comme s’ils avaient à faire à des gamins de primaire. Genesis et son camarade font quelques pas dans le bus puis s’installent dans un coin, lui près de la fenêtre et elle, côté allée. A la CIA, on ne fait pas l’appel, on compte d’abord le nombre de présents, et s’il manque quelqu’un on regarde sur une liste les noms qui y sont notés avant de demander aux autres où est passé untel ou bidule. Par chance, cette fois il ne manque personne. Les portes se ferment dans un claquement sec et le véhicule décolle avec à son bord vingt six recrues, un instructeur et un chauffeur. Au début, c’est le silence absolu et ensuite quand tout le monde s’est lassé d’essayer de voir à travers les vitres teintées, les murmures vont bon train, certains reprennent leurs conversation habituelles tandis que d’autres s’interrogent sur la destination. Soit on les emmène dans la ville la plus proche pour un exercice de filature, soit on les emmène sur un terrain militaire faire un parcours plus élaboré et étendu que celui qu’ils possèdent à La Ferme, soit ils vont participer à une nouvelle activité histoire d’étoffer encore plus leur formation, à neuf heures du matin, les possibilités sont multiples. La brune porte son regard sur son voisin, il s’est pour sa part endormi ce qui, a bien y réfléchir n’est pas une mauvaise idée, quelques minutes de sommeil en plus n’ayant jamais fait de mal à qui que ce soit. Elle ferme les yeux, se cale au mieux dans son siège et attend que Morphée ne vienne l’emmener loin de cet endroit mais on ne lui en laisse pas le temps. Le car est heurté violemment une première fois, puis une seconde fois par quelque chose puis finit par quitter la route dans un tonneaux. Les murmures disparaissent, les cris les remplacent, la jeune femme s’accroche tant bien que mal à ce qui lui tombe sous la main, ils finissent dans ce qui doit être un fossé et sur le toit. Les portes s’ouvrent, un groupe d’hommes armés et cagoulés s’engouffrent à l’intérieur et ensuite plus rien.

Ϟ

── Allez la Belle au Bois Dormant, on se réveille…

Genesis ouvre difficilement les yeux, sa tête lui fait un mal de chien. La pièce dans laquelle elle se trouve ne ressemble à aucune pièce de La Ferme, mais plutôt au sous-sol d’un vieux bâtiment, les murs sont en pierre, il n’y a pas la moindre fenêtre ni le moindre meuble hormis la chaise sur laquelle est elle assise et solidement attachée. Un violent frisson la parcours, un coup d’œil sur elle lui permet de voir qu’elle est en sous-vêtement et pieds nus. Où sont les autres ? Elle n’en a pas la moindre idée. Qui est le type qui lui fait face ? Elle ne sait pas non plus, toujours est-il qu’il n’a rien d’un enfant de chœur et n’est certainement pas un instructeur de la CIA.

── Tu t’appelles comment ? Demande-t-il simplement.
── Jane. Répond-elle de la même manière.
── T’as des frères et sœurs, Jane ?
── Trois frères.
── C’est quoi leur noms ?
── Pim, Pam et Poum.

La première gifle tombe et elle est loin d’être douce.

── Tu te fous de ma gueule ? Lance son interlocuteur un peu moins calme qu’avant.
── Non, c’est pas mon genre… Rétorque sobrement la brune en reprenant une position normale sur sa chaise.
── Pour qui tu bosses ?
── La Croix Rouge.

Un autre coup tombe plus violent que le précédent.

── Tu ferais mieux d’arrêter tout de suite tes conneries si tu veux pas qu’il t’arrive quelque chose. S’impatiente l’homme. Tu sais qui je suis ?
── Le Père Noël ?

Cette fois, il n’y va plus avec le plat de la main, mais avec le poing, heureusement que la chaise est fixée au sol sinon Genesis serait sans doute en train de faire connaissance avec le sol en béton.

── M’oblige pas à te faire du mal…
── Ah ouais ? Si tu veux toi et moi on sort, on verra lequel des deux fera mal à l’autre.

L’inconnu l’attrape d’une main ferme par le menton afin de la regarder dans les yeux.

── Je suis le frère d’Amir Rahal.

Genesis ne met pas longtemps pour se rappeler du nom qu’il prononce, c’est celui d’un homme qu’elle a du interroger lors d’une évaluation et qui a bien failli l’étrangler en essayant de s’échapper, car ses liens n’avaient pas été suffisamment serrés. De ce qu’elle en sait, l’individu en question a depuis été tué par la CIA après un nouvel interrogatoire un peu plus musclé cette fois. Ce qu’elle ignore en revanche c’est comment le type qui se trouve en face d’elle sait qu’ils ont été en contact, ce n’est pas le genre d’informations qu’on obtient facilement à moins d’avoir quelqu’un de l’intérieur de son côté, mais qui ? Il relâche son emprise sur elle, se penche et tire de sous la chaise une boite avec plusieurs boutons dessus, c’est un générateur électrique.

── Je sais que t’es l’une des dernières personne à l’avoir vu en vie, ce que j’ignore par contre, c’est pour qui tu travailles…
── La S.P.A.

L’autre rigole vaguement.

── C’est ça, vas-y continues à te payer ma tête, tu feras moins la fière quand je vais te faire rôtir à petit feu sur ta chaise.
── Dommage, j’aime pas les barbecues…

L’homme s’écarte un peu boite en mains, et appuie sur un bouton durant une bonne minute environ, ce qui envoie aussitôt une décharge à sa prisonnière qui serre les dents sous la douleur. Lorsqu’il arrête, il ne peut s’empêcher de sourire de satisfaction.

── Tu vois… Alors maintenant dis-moi pour qui tu bosses où sinon je recommence jusqu’à ce que tu lâches le morceau.
── J’espère que vous avez du temps devant vous parce qu’à mon avis on en a pour la journée.

Une nouvelle décharge parcourt son corps tout entier et plus longtemps que la précédente. Un gémissement s’échappe de sa bouche, mais son cerveau lui hurle de continuer à tenir quoi qu’il arrive.

── Toujours rien à me dire ?
── Si, une chose…
── Laquelle ?
── Allez vous faire foutre.
── Ravi que nous soyons du même avis…

Cette fois, il manipule un autre bouton qui doit certainement correspondre à l’intensité du courant, vu le regard amusé qu’il lui lance avant d’actionner le second qui lui envoie une autre décharge. La douleur est plus forte qu’avant, mais pas encore insurmontable, elle a vécu pire quand elle avait douze ans, suspendue à un crochet de boucher deux mètres au dessus du sol dans une vieille grange, quand celui qui se faisait passer pour son père adoptif lui administrait des corrections à grand renfort de ceinture ou même de fouet. « La souffrance est votre amie, c’est votre alliée. » Se répète-t-elle dans sa tête sans relâche. « C’est grâce à elle que vous saurez si vous êtes gravement blessé. Elle vous tiendra en éveil, en rogne et vous poussera à finir le boulot et à rentrer à toute allure. »

── Si tu veux que je mette un terme à ça, tu n’as qu’une chose à me dire… Souffle-t-il finalement en voyant qu’elle ne dit plus un mot.
── Oh non, je m’éclate trop… Grogne-t-elle en faisant jouer ses liens sur ses poignets. Vous savez ce qui est le plus génial dans tout ça ?
── T’aimes souffrir ?
── Non… C’est que tant qu’on souffre, on sait qu’on est pas mort…

Cette fois l’intensité est la même, mais la décharge dure plus longtemps.

── Si je monte encore ce bouton d'un cran, c’est la crise cardiaque assurée et au niveau d’après, une fois que je t’aurais réanimé juste pour le plaisir, je te grille le cerveau en poussant ce truc à son maximum.
── Sauf qu’une fois morte je ne vous servirais plus à rien et vous ne saurez jamais pour qui je bosse ou comment votre frère a fini.

D’un geste vif il lâche son boitier, franchit les deux mètres qui le séparaient de sa victime et la saisit violemment par le cou.

── Dis moi ce que tu sais, où sinon je te promets que ta mort sera pas assez longue pour oublier ta douleur.

Là-dessus, il resserre de plus belle son emprise sur la brune qui n’est toujours pas décidée à lâcher le morceau.

── Vous voulez vraiment savoir ? Souffle-t-elle non sans difficulté alors qu’elle commence déjà à apercevoir des étoiles dans son champ de vision
── Oui. Répond son bourreau sans pour autant la lâcher.
── C’est ton coiffeur qui m’envoie, il me fait te dire que tu devrais changer ta coupe pour être à la page.

L’autre s’énerve et la frappe d’un excellent revers qui aurait probablement pu décrocher la mâchoire de quelqu’un de plus jeune mais qui ici entaille simplement la lèvre inférieure de la jeune femme.

── Tu frappes comme une gonzesse. Lâche Genesis en esquissant un léger sourire
── La ferme !
── Y a à peine deux secondes tu voulais que je parle et maintenant je dois la fermer, je voudrais pas jouer les chieuses hein, mais t'es vraiment un bourreau à chier…

Il la frappe à nouveau, si fort cette fois que durant un instant, la brune à l’impression que sa cervelle joue au flipper entre ses deux oreilles. Elle prend une profonde inspiration, secoue légèrement la tête pour retrouver ses esprits, efface le sourire moqueur qui ornait précédemment son visage et lance un regard noir à son interlocuteur.

── Si tu me retouches, je me lève pour te filer une telle branlée que même les gosses que t’as pas encore eu naitront bien élevés.
── Je ne demande qu’à voir ça. S’amuse-t-il en se saisissant avec hargne de sa tignasse brune.
── J’espère que les mecs pour qui tu bosses te filent un bonus pour ça…

Profitant de leur proximité, elle forme un étau avec ses jambes autour des siennes et lorsqu’il relâche l’espace d’une seconde à peine son emprise sur sa chevelure, la jeune femme lui administre un puissant coup de boule qui lui fait perdre l’équilibre et s’écraser lourdement par terre. Rapidement, elle termine de défaire ses liens, se lève et comme promis lui administre une raclée digne de ce nom. Au début, le combat n’est pas très intéressant, mais il le devient vite lorsque l’adversaire de la jeune recrue parvient enfin à se remettre sur ses deux pieds. Genesis fait usage de toutes ses connaissances en matière de combat au corps à corps et on peut dire qu’elles sont nombreuses, à un tel point qu’elle ne laisse même pas la moindre occasion à son opposant de pouvoir riposter. Il chute une énième fois, se saisit de ce qui lui tombe sous la main, un bout de corde, une clé à molette, un neuf millimètres qu’il braque aussi sec en direction de la furie dans l’espoir de la calmer une bonne fois pour toute mais elle ne semble pas décider à s’arrêter. En quelques mouvements habiles et rapides, elle démonte presque pièce par pièce le révolver qui ne quitte la main de celui qui la tient que lorsqu’elle a terminé. Elle le fait glisser entre ses doigts et se sert de la cross pour l’assommer une bonne fois pour toute et pouvoir enfin s’échapper.

Ϟ

── Il faut la rattraper.
── Où est-ce qu’elle se trouve ?
── Elle a une bonne foulée la petite, en moins de quarante cinq minutes, elle a déjà fait huit kilomètres.
── Qu’est-ce qu’il y a dans les parages ?
── Un bar de motards et une station essence.
── Je vais la chercher.
── En tout cas elle est vraiment très douée, elle a explosé le record de La Ferme de six minutes et vingt sept secondes. D’habitude, ils craquent au bout de quatre minutes et se pissent dessus dès qu’on leur dit que leur camarade vient d’être exécuté d’une balle dans la tête, avec elle on a même pas eu besoin de s’en servir.
── Elle est activée, je lui donnerais sa première mission la semaine prochaine, d’ici là faites en sorte qu’elle soit à son maximum.
── Très bien Monsieur.

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For every sin you'll have to pay, I've come to work, I've come to play...

Seize Heures Trente Cinq. Les portes de l’ascenseur s’ouvrent au niveau moins cinq de la CIA. Genesis, seule passagère, efface aussitôt de sa tête toute pensée personnelle pour se concentrer pleinement sur son travail. Ici, personne ne sait qu’à l’extérieur, elle mène une vie de couple depuis sept ans maintenant. Pour ses collègues, elle est « la femme de personne », froide, manipulatrice, dangereuse et extrêmement professionnelle, quiconque essaiera de la distraire de ses objectifs le paiera cher. Dans les couloirs, on la salue du bout des lèvres ou d’un simple mouvement de tête, elle n’est l’ennemie d’aucun agent, mais elle n’est pas non plus leur amie, elle a toujours préféré la solitude au travail d’équipe, question d’habitude. Devant la porte du bureau de John McAdams, l’un des hauts responsables de la cellule d’Hawaii, la jeune femme se demande durant l’espace d’une minute à peine quelle genre de mission on va lui attribuer cette fois-ci. Pour que ce soit l’une des têtes pensantes de la CIA locale qui lui attribue une tâche à la place de son supérieur habituel, c’est que cette dernière sera loin d’être de tout repos avec des probabilités de mort extrêmement grandes. L’idée que l’on puisse lui parler de Shane Daniels son petit ami, ne lui effleure même pas l’esprit. Depuis qu’elle l’a rencontré, elle a toujours fait très attention et aux dernières nouvelles, avec un taux de réussite avoisinant les quatre vingt quinze pourcent, son travail n’a jamais pâti de cette relation. Elle frappe. Une chance sur deux pour que ça soit pour le meurtre d’un personne très influente ou pour de la récupération de données plus que sensibles.

── Entrez.

Elle s’exécute sans attendre. La dernière fois qu’elle est venue ici, elle était repartie avec l’ordre d’aller tuer sans tarder un candidat au pouvoir qui posait trop de problèmes à Haïti.

── Vous avez demandé à me voir Monsieur ? Déclare-t-elle une fois la porte fermée derrière elle.

Son agent de liaison est également présent, debout près du bureau de McAdams, droit comme un « i », mains croisées dans le dos, le visage n’affichant pas la moindre expression.

── Oui Genesis. Répond l’autre homme de sa voix puissante. Nous devons nous entretenir d’un sujet très délicat.

Durant une seconde, la brune doute. Et s’ils savaient ? La procédure normale dans ce genre de situation veut qu’on demande d’abord à l’agent de renoncer par lui-même à sa vie de couple, et si jamais ce dernier refuse, on envoie alors quelqu’un faire le ménage tandis que l’ordre d’annulation du fautif tombe afin d’éviter toute tentative de désertion, mais aussi pour bien montrer l’exemple aux autres. Pour sa part, la jeune femme n’avait pas peur de mourir, ce qu’elle craignait en revanche c’était qu’on s’en prenne à l’homme de sa vie.

── Il y a moins d’un mois, un satellite de la Défense à subitement changé d’orbite. Reprit son interlocuteur en avalant une gorgée de café. D’habitude on ne s’occupe pas de ce genre de choses qui arrivent au moins une fois par an, mais il se trouve que cette fois-ci l’engin a décidé d’aller s’écraser chez Monsieur Kadhafi au beau milieu du désert Libyen.
── C’est quel genre de satellite ? Un Tueur de la famille K.H ou un simple Chasseur ? Interrogea l’agent de terrain qui avait complètement chassé de son esprits ses inquiétudes concernant son petit ami de sa tête.
── Un K.H Tueur Bravo, qui comme vous le savez est à énergie atomique, alimenté par des piles au plutonium et destiné à survivre à la rentrée atmosphérique grâce à un blindage de protection quelconque.
── Est-ce qu’on a pu le récupérer ?
── Malheureusement pour nous, non. Il se trouve que la manœuvre d’extraction a été mise en échec par une patrouille pouilleuse mais extrêmement bien armée.
── L’armée Libyenne ?
── Il y a peu de chances. Tout ce qu’on sait à l’heure actuelle, c’est que ces individus ont pris contact avec Quasim Tariq, l’un des meilleurs coursiers d’Al-Qaïda dans le but de vendre le plutonium qui se trouvait dans le satellite. Une fois la transaction effectuée, il est facile d’imaginer ce qu’il va se passer.
── Ils vont en faire une arme nucléaire et s’en servir contre n’importe lequel de leurs ennemis, mais pour arriver à leur fin il leur faudra également un engin de lancement nucléaire et les codes pour le déclencher ce qui en soit n’est pas donné à tout le monde.
── Considérons qu’ils ont déjà tout ça ou qu’ils ne mettront pas longtemps à se le procurer grâce à l’une de leurs nombreuses connaissances dans le monde. La seule chose qui va leur manquer après ça, c’est un satellite tactique car sans ce dernier ils ne peuvent rien. C’est donc ici que vous intervenez.
── Quel est l’ordre de mission, Monsieur ?
── Peu de temps après la Guerre Froide, la Russie a vendu un satellite tactique obsolète à une compagnie de télécommunication Ouzbèke aujourd’hui dirigée par un certain Mirko Akmehdov. Votre travail consistera à lui soutirer les codes de neutralisation de la station relais du satellite, cependant je ne peux pas officialiser la mission, cela prendrait beaucoup trop de temps et demanderait l’autorisation de personnes très hauts placées au sein du Gouvernement dont nous ne pouvons pour le moment pas assurer la fiabilité à cent pourcent. Par conséquent, je pense que des vacances ne vous feraient pas de mal, après tout, cela fait maintenant dix sept ans que vous travaillez pour l’Agence, alors disons que je vous offre un petit débrayage de quarante huit heures, ce qui je l’espère devrait vous suffire.
── Absolument, Monsieur.
── Bien dans ce cas, vous pouvez disposer.

Genesis acquiesce d’un mouvement de tête, fait demi tour et sort de la pièce d’un pas décidé afin de mener rapidement à bien les préparatifs de son voyage. Une fois dans l’ascenseur, elle sort son portable et commence son travail.

── Parle mortel et tu seras reconnu par ton Dieu. Lance son interlocuteur à l’autre bout du fil.
── Salut le Geek, j’ai besoin de tes talents. Réplique-t-elle en faisant comme toujours abstraction de la façon parfois un peu lourde de répondre au téléphone de son collègue.
── Dis moi tout.
── Il me faut une place dans le prochain avion pour Tachkent et tout ce que tu peux trouver sur un certain Mirko Akmehdov.
── C’est comme si c’était fait. Qui est de sortie cette fois ?
── Sarah Johnson me parait être la plus indiquée.
── Ok, donne moi cinq minutes.

Sans difficulté, la brune peut entendre l’informaticien pianoter à toute vitesse sur le clavier de son ordinateur afin de lui obtenir ce qu’elle désire sans poser plus de question que nécessaire.

── C’est bon. Reprend-il finalement. Ton vol décolle dans deux heures et demie, tu seras en première classe et je t’ai fais une réservation à l’hôtel Tessaline où ton gars est résident permanent. Pour le reste, je t’envoie ça de suite sur ton téléphone.
── Merci. Lance-t-elle avant de raccrocher aussi sec pour ne pas lui laisser le temps de commencer à plaisanter tout seul sur ce qu’elle lui devra en contrepartie.

De retour à la surface, elle monte dans sa voiture et prend la direction de sa maison afin de préparer sa valise. Son plan est très clair dans sa tête, vingt-quatre heures pour étudier sa cible et vingt-quatre heures pour lui soutirer les renseignements qu’il lui faut, le tout sans se faire repérer par les autorités locales et sans user de la violence. Tout résiderait dans son charme naturel et sa capacité à mentir, et si jamais il se montrait plus résistant, alors elle devrait se montrer un peu plus insistante avec lui. La sonnerie de son second téléphone retentit. Un rapide coup d’œil sur l’écran lui indique qu’il s’agit de Shane, elle décroche alors sans tarder mettant temporairement de côté sa future mission.

── Aloha… Souffle-t-elle doucement alors qu’un immense sourire se dessine sur ses lèvres.
── Aloha… Lui répond-il de sa voix cassée qui la fait parfois frissonner.

Rien qu’en entendant le ton qu’il emploie, elle peut facilement deviner que lui aussi sourit de son côté, ce qui la met un peu plus en joie.

── Je voulais savoir à quelle heure tu comptais rentrer ce soir, pour que je puisse réserver une table à l’Ocean House.

Le sourire de la brune s’efface automatiquement, le restaurant qu’il vient de mentionner n’est autre que celui où ils se sont rencontrés la première fois, il y a sept ans jour pour jour. Dans sa tête une flopée d’injures défilent à une vitesse phénoménale, elle n’a jamais loupé un seul de leurs anniversaires et elle avait même prévu quelque chose pour lui.

── Ecoute Shane, j’allais justement t’appeler pour te dire que je ne vais pas pouvoir rentrer ce soir. On a un problème au bureau de JBay en Afrique du Sud et Adams veut s’y rendre le plus rapidement possible, je ne serais pas là avant jeudi soir… Je suis vraiment désolée…
── Ok, je comprends.

Il a également perdu son sourire, elle le sait et ça l’énerve un peu plus. Parfois, elle aimerait avoir une autre vie où elle ne serait pas obligée de constamment mentir à son petit ami et où elle n’aurait pas à louper le moindre instant de leur vie commune.

── Je te promets de me rattraper jeudi soir dès que je rentre. Reprend-elle en espérant vivement qu’il ne lui en veut pas de rater un tel événement.
── Je prends note, mais sache que je serais intransigeant… Lance-t-il sur le ton de la plaisanterie et du sous-entendu.
── Je n’en doute pas une seule seconde.
── Je t’aime Gen’, fais attention à toi.
── Promis, je t’aime aussi.

Il raccroche, elle fait de même avant de frapper assez lourdement son volant sous le coup de la colère. Ce Mirko Akmehdov à intérêt à cracher le morceau rapidement, sinon elle peut lui garantir qu’elle ne fera plus dans la finesse et que par conséquent il passera un sale quart d’heure.