1980,
Moscou,
Russie.
«
Je n'ai jamais songé à adopter un enfant jusqu'à aujourd'hui. Ari, être mère a toujours été mon rêve. Je sais que ce sera dur avec mon travail et le tien, mais s'il te plaît. C'est important pour moi ! » Levant les yeux de son journal, Ari soupira. Il n'avait nullement envie d'élever un gamin qui n'était pas le sien. En fait, il n'avait nullement envie d'élever un enfant, peu importe l'origine. Mais puisque sa femme y tenait tant, il prit quelques secondes pour y réfléchir, même s'il savait déjà la réponse. «
Tamara, nous n'avons pas de temps pour ça. Tu voyages beaucoup trop pour élever ne serait-ce qu'un chien et adopter un enfant aurait de graves conséquences sur ma carrière. Tu ne te rends pas compte ? »
La question lui avait échappé et à peine l'avait-il posée qu'il regrettait. Évidemment qu'il savait que sa femme se rendait compte. Elle faisait tellement de sacrifice pour lui qu'une vie ne suffirait pas pour lui rendre la pareille, mais que voulez-vous ? Monsieur Dmitriev était un homme impulsif et plutôt macho qui ne songeait qu'à son propre intérêt. Tout le contraire de sa femme... «
Je ne me rends pas compte ? Es-tu stupide ou quoi ? Il ne se passe pas un jour sans que je fasse un sacrifice pour toi. J'ai abandonné ma carrière pour toi, ma famille et mes amis ! J'ai tout plaqué pour fonder une famille avec l'homme que j'aime et voilà que tu refuses de me rendre pleinement heureuse ? »
Bien qu'elle ait tendance à garder son calme, Tamara Dmitrieva ne pût s'empêcher de se lever et de frapper des poings sur la table en acajou. Elle était bien trop énervée pour ne pas réagir une bonne fois pour toutes. Cette fois-ci, s'en était trop. «
Tu choisis Ari : Ta carrière ou fonder une famille. »
Surpris, l'homme ne pût s'empêcher de se lever à son tour. Choisir entre sa carrière de politicien et sa famille était
impossible. Mais il aimait vraiment Tamara d'un amour sincère et passionnelle et refuser serait égoïste. Mais n'était-il pas un homme égoïste comme son père l'était ? «
Tu plaisantes j'espère ? Choisir entre toi et la politique ? »
La jeune femme resta silencieuse et pour se protéger d'un possible refus, elle croisa les bras sur sa poitrine. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle était persuadée que son mari allait refuser. Après tout, il l'avait déjà forcé à fuir sa famille et son pays juste pour lui alors ne pas accepter d'adopter un enfant ne serait rien de bien difficile pour cet homme.
«
Très bien ! Adoptons un enfant ! »
D'abord méfiante, Tamara resta silencieuse, mais voyant que les propos de son époux étaient sérieux, elle se jeta littéralement dans ses bras avant de se mettre à pleurer de joie. Joie qui n'était malheureusement pas partagée.
*
* *
1990,
Moscou,
Russie.
Neuf heures du soir et la petite Alekzandra -
que sa famille appelait Mila- ne dormait toujours pas. Il faut dire que demain serait un grand jour pour la famille Dmitriev. Quelques années après avoir adopté leur premier enfant d'origine Ukrainienne, Tamara avait décidé de continuer l'aventure et d'adopter un second enfant. Contrairement à ce qu'elle pensait, son travail de "femme d'affaires" ne l'avait pas empêché d'élever Mila et il était donc tout à fait normal pour elle d'avoir un autre bambin à sa charge. Son mari, lui, était plutôt sur la réserve et bien qu'il soit heureux d'avoir adopté sa fille adorée, il était réticent à adopter un second enfant.
Contrairement à ce qu'il pensait, l'adoption d'Alekzandra l'avait poussé sous le feu des projecteurs durant un certain temps et sa politique avait été beaucoup plus écouté. Mais la famille Dmitriev avait dû faire face à des accusations plutôt déplacées sur l'infidélité d'Ari envers sa femme et l'homme était donc retombé dans les sondages. Adopter un autre enfant serait donc vu par la plupart de la population comme un acte désespéré ayant pour but d'augmenter les votes. Ce n'était donc pas par hypocrisie qu'il avait d'abord refusé, mais plus par envie de protéger sa famille. Mais face aux regards si innocents et si insistants que lui avaient lancés sa femme et sa fille, il n'avait pu s'empêcher d'accepter.
[...]
«
Je peux le voir de plus près s'il te plaît ? » Tamara jeta un rapide coup d'oeil à son époux avant de se pencher vers sa fille pour que celle-ci voit de plus prés son demi-frère. Car oui, la famille Dmitriev venait enfin d'adopter leur second enfant. Mais contrairement à Alekzandra, Isaac était d'origine russe ce qui était un avantage considérable aux yeux de son père. «
Sasha !» La concernée se retourna vers sa nourrice qui ouvrait grands ses bras. L'enfant se hâta de s'y jeter et après une étreinte qui dura de longues secondes, Alekzandra lui fit son plus beau sourire. «
Седа Ви бачили мій маленький брат? » *
Seda as-tu vu mon frére ?C'est avec une certaine excitation que la nourrice, Seda, se pressa de lui répondre. Non seulement elle était fière que sa petite Alekzandra ait déjà appris l'ukrainien à son âge, mais elle était aussi heureuse de voir que même dans une telle situation, l'enfant ne l'oubliait pas. «
Звичайно, моя дорога! Ви думаєте, він стане таким же розумним, як ви? » *
Bien sûr ma chérie ! Tu crois qu'il deviendra aussi intelligent que toi ? Alekzandra fronça les sourcils et croisa les bras sur sa poitrine, légèrement vexée par la remarque de Seda. Son père n'arrêtait pas de lui répéter qu'elle était intelligente, mais que ce n'était pas assez pour devenir quelqu'un d'important. Inutile de préciser qu'Alekzandra n'était âgée que de sept ans et était considérée comme une surdouée, mais qu'évidemment cela était insuffisant pour son père.... «
Жартую меду, ви знаєте, що ніхто не може бути настільки ж талановиті, як ви, якщо ви працюєте, як і ми. » *
Je plaisante ma chérie, tu sais que personne ne pourra devenir aussi douée que toi si tu travailles comme nous le faisons. La nourrice passa sa main dans les cheveux de la petite fille avant de la pousser gentillement vers le reste de sa famille. Mon Dieu comme elle aurait aimé que cet enfant soit sa fille...
*
* *
1992,
Moscou,
Russie.
Un cri strident vint déchirer le silence qui régnait jusqu'à présent dans la villa des Dmitriev. Écroulée sur le sol de la salle à manger, Tamara pleurait toutes les larmes de son corps tandis que son mari vint la rejoindre en courant. «
Que se passe-t-il ? »
Incapable de parler, Tamara lui jeta au visage le morceau de papier qu'elle tenait dans ses mains. Après avoir pris quelques minutes pour le lire, Ari se rua sur le téléphone et se hâta d'appeler la police. S'il y avait bien une chose à laquelle il ne s'attendait pas, c'était que l'on kidnappe sa fille adorée....
Ce n'est qu'après de longues minutes d'attente que la police fit son arrivée au domicile de la famille. Comme il avait été dit au téléphone, les parents n'avaient touché à rien et ils étaient donc restés assis sur le canapé du salon. Lorsque l'inspecteur vint les voir pour savoir ce qui s'était passé, se fût Ari qui prit la parole, sa femme décidant de rester muette. «
Regardez par vous même ! Je vous laisse vingt quatre heures pour la retrouver ! » Non, ce n'était pas les ravisseurs qui avaient demandé ce si court délai, mais bel et bien le père de famille. Prendre le risque de laisser sa fille loin de sa famille et ainsi ébruiter son enlèvement nuirait à sa réputation.
Préférant ignorer la remarque de l'homme, l'inspecteur se tourna vers Tamara. «
Madame Dmitrieva, je vais devoir vous poser quelques questions. » Celle-ci leva un regard vide vers l'inspecteur et hocha la tête. «
Connaissez-vous quelqu'un qui en voulait à la famille ? »
À cette question, la mère ne pût s'empêcher de songer à son époux et à ses nombreux rivaux. Si jamais un concurrent avait touché à sa fille, elle ne pardonnerait jamais son époux... «
Non, personne... » «
Quand avez-vous vu votre fille pour la dernière fois ? » Tamara prit quelques secondes pour réfléchir et pour essuyer du revers de la main les larmes qui coulaient sur ses joues avant de répondre d'une voix fragile.
«
Elle se préparait pour l'école. La nourrice allait l'emmener à l'école... » Silence dans la pièce tandis que monsieur Dmitriev se levait du canapé. «
C'est cette garce d'Ukrainienne qui l'a volé ! Je t'avais dit de ne pas l'engager, mais tu ne m'écoutes jamais ! »
Hurlant des accusations comme un fou l'aurait fait, le père de famille se rua sur le téléphone. Réputé pour être impatient et impulsif, la police ne l'en empêcha pas et sous les regards insistants de la femme, ils quittèrent la pièce. Si la police de la ville n'était pas capable de retrouver qui avait enlevé sa fille alors que cela faisait déjà plusieurs heures qu'elle avait disparu, Ari savait qui le ferait en échange d'une certaine somme d'argents.
*
* *
1990,
Toula,
Russie.
Assise sur la banquette arrière d'une voiture, Alekzandra commençait à s'ennuyer. Elle ne savait pas pourquoi elle avait accepté de monter dans le véhicule et de suivre ainsi sa nourrice, mais elle sentait qu'elle n'aurait pas dû. Ce n'est pas qu'elle ne trouvait pas le voyage génial, au contraire, mais il était normal qu'après des heures de voiture elle en ait marre pour ne pas dire
ras-le-bol.
Lorsque le feu passa au vert, le véhicule démarra en trombe et traversa le carrefour pour aller se garer un peu plus loin. «
Et voilà, on est arrivée ma chérie. »
Alekzandra leva les yeux de son
rubicube et sourit. Elle était peut-être jeune, mais elle n'était pas stupide. Il était rare que sa nourrice lui parle en russe et lorsqu'elle le faisait, ce n'était que dans des situations graves. Comme Seda n'arrêtait pas de regarder derrière dans le rétroviseur depuis leur départ, la jeune fille comprit que quelque chose clochait. Sa nourrice qui était pourtant toujours de bonne humeur n'avait pas l'air d'aller bien aujourd'hui. Et même si elle aurait aimé que ce ne soit qu'une illusion, Alekzandra était persuadée de voir de la folie dans son regard.
«
Dépêche toi de rassembler tes affaires. » La jeune fille se hâta de ranger dans son sac son jouet et son livre avant de sortir du véhicule. Elle aurait aimé pouvoir rentrer chez elle, mais elle ne l'avoua pas à Seda de peur de la vexer. «
Tu m'emménes où Seda ? »
Pour seule réponse, la nourrice prit sa main et la serra très fort dans la sienne. Elles se dirigèrent vers un immeuble mal entretenu et montèrent les escaliers avec une certaine hâte. Arrivée sur le palier, la nourrice lâcha la main d'Alekzandra pour ouvrir la porte d'un appartement. «
Ca y est, on est arrivées. » «
Arrivées où Seda ? Maman sait que je suis ici avec toi ? »
La nourrice fronça les sourcils avant de prendre Alekzandra dans ses bras.
«
Ne t'inquiétes pas pour ça ma chérie. »
Seda mit fin à leur étreinte pour se diriger vers la cuisine -
si l'on pouvait appeler ça une cuisine- afin d'y réchauffer un peu d'eau. Alekzandra en profita pour explorer l'appartement car même si elle était une petite fille modéle, elle aimait l'aventure.
Elle s'avança donc vers une première porte qu'elle ouvrit. Malgré l'obscurité, elle parvint à distinguer un lit de camp et une chaise en bois sur laquelle était posée sa peluche fétiche qui avait disparu quelques jours plus tôt. Elle courut la prendre dans ses bras et retourna voir sa nourrice. «
C'est toi qui avait Yuri ! Ca faisait six jours que je le cherchais. » La nourrice se pencha et ôta l'objet des mains de l'enfant pour aller le remettre à sa place. C'est alors que quelqu'un frappa à la porte. Alekzandra fût surprise de voir que la nourrice ne s'y attendait pas. Celle-ci alla éteindre l'eau qui chauffait avant de prendre Seda par la main et de l'emmener dans la chambre qu'elle avait visitée quelques instants plus tôt. «
Restes ici Alekzandra et ne bouges pas jusqu'à que je te le dise, d'accord ? »
Bien qu'elle ne comprît pas pourquoi Seda ne voulait pas qu'elle voit qui était cet invité, la jeune fille hocha la tête. La trentenaire quitta la pièce et ferma la porte à clef avant de se diriger vers la porte d'entrée. Après quelques secondes d'hésitation, elle posa la main sur la clenche et la tira. «
Seda Levski ? »
La nourrice hocha la tête avant de jurer intérieurement. Si elle ne voulait pas que l'on retrouve sa trace et celle d'Alekzandra, elle ne devait pas dire au premier venu sa véritable identité ! D'autant plus qu'elle ressentait une drôle de sensation à la vue de cette personne. Grand et musclé, l'homme n'avait pas l'air très rassurant ce qui effrayait Seda. Ce n'est que lorsque celui-ci mit sa main à l'intérieur de sa veste que la nourrice lui claqua la porte au nez, mais il était déjà trop tard et l'homme défonça celle-ci grâce à un violent coup de pied. Il sortit alors une arme de sa veste et la pointa sur Seda. Sans aucune hésitation, il visa la tête avant de tirer deux autres balles dans le coeur.
Alekzandra qui était toujours enfermée dans la pièce d'à côté boucha ses oreilles avec ses mains. Elle ne voulait pas savoir ce qui se passait derrière, même si elle s'en doutait. Après les bruits sourds, elle n'entendit plus rien. Elle se leva et sortit de sa cachette, mais il était difficile de se diriger dans l'obscurité. C'est alors que la porte s'ouvrit et qu'elle vit un homme se tenir dans l'encadrement. Il s'approcha de la petite fille effrayée et la prit par la main. Alekzandra ressentit une légère douleur dans le cou puis, plus rien.
*
* *
1998,
Harvard,
Etats-Unis.
Alekzandra ne pouvait pas s'empêcher de se demander pourquoi elle était aussi loin de son pays. Comme beaucoup d'étudiants, elle avait le mal du pays et bien que les États-Unis soient passionnants, la Russie lui manquait énormément. Elle y avait passé toute son enfance, toute sa vie et partir aussi loin de chez elle lui avait fait mal. Mais étrangement, Alekzandra sentait que ce voyage ne pouvait que lui faire du bien. Et puis elle était à Harvard, l'une des meilleures universités au monde !
FLASHBACK
«
J'aimerais beaucoup étudier à Oxford. » Tamara Dmitrieva retira prudemment ses lunettes avant de juger sa fille de haut en bas. Oxford n'était pas vraiment l'université qu'elle avait en tête pour sa petite fille adorée, d'autant plus qu'elle et son époux avaient fait leurs études à Harvard. Elle savait que l'université américaine ouvrirait probablement plus de portes qu'Oxford ne pouvait le faire. «
Chérie, tu sais bien qu'Oxford n'est pas fait pour toi ! » Un sourire se dessina alors sur les lèvres d'Alekzandra. Elle était amusée par le comportement de sa mère, cette dernière étant persuadée que sa petite fille allait lui obéir... «
Pourquoi ? Ce que j'aime c'est la psychologie et l'esprit humain. Et puis j'aime beaucoup l'Angleterre. Ce sera l'occasion parfaite pour perfectionner mon anglais et mon français. S'il te plaît, mère ! » Implorant sa mère du regard, Alekzandra se mit assise à côté d'elle et lui prit la main. Persuader sa mère de la laisser aller à Oxford allait être difficile, mais le pire rester à venir : persuader son père de la laisser faire ses études ailleurs qu'à Harvard. «
Justement. Ton psychologue a fait ses études à Harvard, tu devrais donc suivre son exemple. » Alekzandra recula de quelques centimètres avant de s'enfoncer dans le fauteuil et de faire la mue. Elle n'aimait pas du tout lorsque sa mère lui rappeler qu'elle voyait un psychologue, d'autant plus qu'elle jugeait ne pas en avoir besoin. Elle était assez grande pour savoir se contrôler et pour savoir contrôler sa mémoire eidétique, pas besoin de l'aide d'un psy pour ça... «
Très bien. Si tu ne veux pas j'irais demander à père. Lui acceptera. »
Sans même prévenir, elle se leva brusquement et quitta la pièce, laissant ainsi Tamara seule. Cette dernière ne pût s'empêcher d'esquisser un sourire face au comportement de sa fille qui était d'habitude si calme.
FIN DU FLASHBACK
Après quelques mois déjà passés à étudier à Harvard, Alekzandra s'était énormément amélioré. Bien qu'elle n'admirait pas réellement le pays, elle adorait les cours que donnaient les professeurs. Seul hic : les autres étudiants. Entre filles à papa et garçons trop charmeurs, elle ne trouvait pas sa place. Elle avait toujours été timide et réservée avec les personnes qu'elle ne connaissait pas et il lui était difficile de se faire des amis.
*
* *
2005,
Harvard - Moscou
Etats-Unis - Russie
Extrait d'une conversation téléphonique entre Tamara Dmitrieva et Alekzandra Dmitrieva«
Dis-le. » «
Dire quoi ? » «
Que tu avais tort ! » «
Je n'avais pas tort ! J'étais juste... perplexe à l'idée d'intégrer Harvard. » «
Et c'est tout ? Tu ne t'es jamais dis que j'avais raison de t'avoir fait intégrer la meilleure université au monde ? » «
D'accord, j'avoue... Tu avais raison de m'avoir fait intégrer Harvard ! Etre diplômée de cette université est beaucoup plus remarquée qu'être diplômée d'Oxford, mais j'aurais quand même aimé vivre en Angleterre. » «
Quoi ? Ne sois pas stupide ! Tu adores les Etats-Unis... » «
Oui, mais pas autant que l'Europe. » «
Il n'empêche que j'avais raison. » «
Et comment va Isaac ? » «
Oh tu sais, ton frére restera ton frére. Il n'a jamais écouté personne alors... » «
Je dois y aller mére, je suis désolée. Mon avion va décoller d'ici quelques minutes et je ne veux pas rater le vol qui m'emménera chez moi ! »
*
* *
2007,
Kiev
Ukraine
Le choc avait été violent et douloureux pour la limousine et ses occupants. Tout s'était déroulé rapidement et Alekzandra n'avait aucun souvenir des minutes précédentes. D'un geste vif, elle ouvrit les yeux avant de les refermer brusquement. La scène qu'elle avait vue ne lui avait pas plu du tout.
Allongée sur le plafond de la limousine retournée, la jeune femme se sentait nauséeuse. Son épaule et son dos la faisaient énormément souffrir sans parler du mince filé de sang qui s'échappait de ses lèvres. Et sa famille... Elle ouvrit un oeil après l'autre et tenta de se retourner, mais quelque chose l'en empêchait. Sans même voir quoi, elle posa sa main sur son dos et chercha à taton l'objet qui la retenait. C'est alors qu'elle sentit une main. Froide. Elle tira d'un geste vif sur cette main et hurla de toutes ses forces. Malgré le fait qu'elle se trouvait couchée sur le dos et qu'elle ne voyait pas grand-chose du véhicule, elle savait à qui appartenait cette main.
Elle n'avait que six ans lorsqu'elle avait remarqué pour la première fois la bague. Cette même bague que portait sa mère en ce moment.
Toujours bloquée, Alekzandra commença à gémir de douleur. Si elle voulait s'en sortir vivante, elle et sa famille, elle devait bouger et les sortir de la voiture. C'est donc non sans quelques difficultés qu'elle rampa afin de se dégager de l'emprise de sa mère. S'appuyant contre la portiére du véhicule, elle reprit sa respiration pendant quelques secondes et ouvrit les yeux. Des débris de verre, c'est tout ce qui la choqua. Et la robe de sa mère aussi qui était d'habitude d'un blanc immaculé était plutôt rouge aujourd'hui. Alekzandra poussa un long soupir avant de s'avancer vers une silhouette. Elle y reconnaissait celle de son père, mais avant qu'elle n'est pue l'atteindre, quelque chose lui toucha le pied. Elle hurla de surprise et de douleur car sa cheville lui faisait étrangement mal.
«
Militza. » La concernée releva rapidement la tête et croisa le regard de sa mère.
Elle n'est pas morte, c'est tout ce qui traversa l'esprit de la jeune femme. «
Protéges ton frère. » «
Maman ! » Alekzandra fronça les sourcils et tenta de retourner auprès de sa mère, mais sentant que la pression sur sa cheville s'était relâchée, elle comprit qu'il était trop tard pour elle. Et c'est seulement aprés avoir vérifié que son pére était vivant qu'elle s'autorisa à pleurer.
Pleurer pour la mort de sa mère, de son pére et probablement celle de son frère puisqu'il n'était plus dans la voiture. Pleurer pour ses années perdues aussi loin de sa famille, mais surtout pleurer pour elle-même.
La jeune femme leva lentement la tête et lâcha dans un bref soupir le prénom de son frère. «
Isaac ! » Puis sans même s'en rendre réellement compte, tout devint noir.
*
* *
2009
Beaucoup de choses avaient changé aprés la mort de sa famille. Elle était devenue agent et travaillait donc pour le SVR, mais elle était aussi devenue orpheline et ce pour la seconde fois de sa vie. Elle ne savait même pas pourquoi ni comment elle vivait encore, tout ce qu'elle savait c'est qu'un mystérieux inconnu l'avait sorti de la voiture peu de temps avant qu'elle n'explose, tuant ainsi sa famille. Du moins, c'est ce que pensait la police puisque aucun cadavre intact n'avait été retrouvé. Parmi les débris, les enquêteurs avaient certes découverts de l'ADN appartenant à Ari Dmitriev et à sa femme, mais aucune preuve disant que Isaac était en vie. Désormais, Alekzandra vivait dans l'espoir qu'il s'en soit sorti. Mais si tel était le cas, alors pourquoi ne venait-il pas la voir ?
Et si les personnes qui l'avaient contacté pour qu'elle devienne agent au sein du SVR avaient aussi contacté son frére ? C'état le seul et unique espoir qu'avait Alekzandra, même si elle préférait que ce soit faux. Au fond, travailler pour les services secrets russes n'était pas facile. Elle avait dû faire du mal autour d'elle à plusieurs reprises et il lui était même arrivé de tuer, chose qu'elle n'avait jamais pensé faire un jour.
Pourtant, ôter la vie à quelqu'un ne lui faisait pas autant de mal qu'elle ne le pensait. En faite, il lui arrivait même de s'imaginer être faite pour ce métier...