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« C'est celui qui invente la règle qui gagne toujours. »

L'histoire. L'Histoire. C'est vaste une histoire. Ca retrace beaucoup de choses une histoire. Et la condenser dans un petit texte d'une vingtaine de lignes c'est compliqué. Bien sur il y a différentes façons de la faire cette histoire. Résumé de faits ? Entassements de dates importantes ? Petits flashbacks de la vie du personnage ? Bah, vraiment très vaste. Et puis... Comment choisir les passages ? Qui dit que celui où le Florent de trois ans a fuit face à une souris est moins important que celui où il se noie ? Que la fois où il cache soigneusement chacune des peluches de sa petite soeur est négligeable face au jour où il passa cinq heures enfermé dans un placard ? Bah, personne. Bref, oublions cette profonde réflexion sur les bien fondés d'une histoire de vingt lignes et passons à la suite.

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Alexis Enguerrand posa les yeux sur le dossier scolaire de son fils, Florent.
L'homme d'une quarantaine d'années était loin d'être un sain mais on ne pouvait certainement pas lui reprocher d'être un mauvais père, loin de là. Chaque trimestre il veillait à ce que ses deux enfants conservent de bonnes notes, aient des affaires avec un minimum de qualité pour travailler et surtout qu'ils prennent plaisir à se rendre à l'école. Jusqu'à maintenant l'enfance de Florent, dix ans, et de sa jeune soeur Clémence, sept ans, avait été relativement calme malgré le manque d'argent évident de la famille. De temps à autre une grande somme d'argent entrait dans les caisses familiales pour disparaître deux semaines plus tard, sans raison. Et alors il fallait travailler dur pour que les assiettes soient pleines le soir, quand ils rentraient de l'école. Mais Alexis Enguerrand avait pris bien soin de cacher ces quelques petits problèmes à ses deux enfants, à sa femme même. Celle-ci, de santé fragile, ne travaillait plus depuis des années, se contentant simplement d'aller et venir entre la modeste maison et son association.
Cependant, comme signalé au début, Alexis n'était pas un ange. A la tête d'un vaste réseau criminel, recherché depuis plusieurs années par la CIA, il n'avait fondé une famille que pour sauver les apparences. Qui irait chercher un trafiquant d'armes, de drogues - pas le petit dealer de quarter, bien entendu - dans les quartiers pauvres de Paris ? Père de famille qui plus est ? Personne, nous sommes d'accord. Mais ce qui n'était au premier abord qu'une simple couverture était finalement devenu bien plus dans sa vie. Car Alexis était amoureux. Et qu'il avait des projets pour ses enfants. Mais il fallait commencer par le commencement, soit leur épanouissement complet dans un monde à peu près sain. Il ne comptait pas en faire des barjots, des cinglés, des adultes perturbés et violents, trop en proie à leurs émotions, non. Alexis souhaitait des héritiers calmes, réfléchis, dignes de lui.

Malheureusement ce projet ne vit jamais le jour car Alexis fut trahi. Oui, chose tellement banale et tellement triste qu'une trahison de la part d'un ami. Cet ami le dénonça à la CIA contre une – très – coquette somme d'argent et l'agence américaine envoya une personne, une seule, pour rayer Alexis Enguerrand de la liste des vivants. Mais ce que la CIA ignorait c'est que l'homme avait révélé bien des choses à son garçon de quinze ans. Elle ignorait également que celui-ci admirait profondément son géniteur, fermant les yeux sur tout le reste. Et sa mort alluma simplement la colère et le désir de vengeance. La CIA lui avait pris son héros ? Il la détruirait elle, lentement mais surement. Mais ce n'était là que la colère d'un adolescent malheureux ayant perdu son père, rien de plus.
S'il y a des choses qui restent dans la tête des enfants, même en grandissant, c'est bien les paroles des parents. Et celles de son père restèrent bien sagement dans celle de Florent, tout là-bas au fin-fond de Paris. Après l'assassinat de son père ses notes grimpèrent d'un cran, le classant parmi les premiers de sa classe, mais il se renferma quelque peu sur lui-même, devenant un garçon taciturne et maussade.
Les années passèrent simplement et Florent et sa petite sœur grandirent, le revenu famial étant plus bas que jamais. Leur mère, bien forcée à reprendre le travail depuis la mort incompréhensible de son mari, reprit son métier d'infirmière dans un hôpital voisin, ramenant chaque mois juste assez pour vivre. Par chance ses deux enfants avaient d'excellentes notes et le problème des études ne se posa pas, les deux obtenant des bourses. Mais Florent avait bien d'autres projets, un peu plus sombres que celui d'être premier de la classe en permanence.

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Et l'occasion se présenta tout naturellement deux ans après. Vous connaissais ces petits journaux distribués gratuitement dans les rues ? Voilà comment Florent prit connaissance de l'existence de M. Devillers, un riche homme, dirigeant une importante holding. Malade celui-ci n'allait pas tarder à mourir et les médias en faisaient toute une histoire, notamment à propos son important héritage et son apparente absence d'héritier. Le plan final fut difficile à mettre au point mais Florent usa de patience, attendant simplement son heure. Il finit par découvrir que M. Devillers avait un héritier, confié dix-sept ans auparavant à un couple ami du père. Physiquement le jeune Enguerrand avait de la chance : il lui ressemblait.
A la mort du Devillers père Florent se fit tout simplement passé pour le Devillers fils, tuant l'héritier réel et le couple qui l'avait élevé depuis sa naissance. Il fait passer le premier meurtre pour un accident, le second pour une tentative de meurtre sur sa personne. Le plus dur fut ensuite de convaincre les personnes chargées de la succession et le conseil d'administration de la holding qu'il était bien Etienne Devillers, l'héritier de son défunt père. Il eut recours à de nombreux stratagèmes pour cela, ayant prélevé empreintes et ADN sur le corps du véritable Etienne.

L'entreprise fonctionna bien et c'est ainsi qu'à dix-sept ans, bientôt dix-huit, le monde ne l'appela plus que par sa nouvelle identité, les deux seules personnes le connaissant sous son véritable nom étant sa mère et sa jeune sœur. Petit à petit Florent se fit une place dans le monde criminel que son père avait cotoyé tant d'années durant, retrouvant d'anciens contacts connaissant le nom d'Enguerrand dans le milieu. Cependant il resta prudent, multipliant les alias, brouillant chacune des pistes pouvant permettre de remonter à Etienne Devillers ou Florent Enguerrand.
Une fois sa majorité atteinte il quitta les bas-quartiers de Paris, laissant à sa mère ne coquette somme d'argent lui permettant simplement de vivre sans trop se poser de questions. C'était sans doute l'un des derniers gestes de bonté que Florent fit à quelqu'un – excepté peut-être à sa sœur dont il était très proche.

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« Etienne » passa ainsi plusieurs années à rassembler contacts et argent pour se lancer dans son but premier : mettre à genoux la CIA. Il entreprit alors de se rapprocher, l'air de rien, de certaines personnes influentes de l'agence américaine. Et Grace était la fille de l'une de ces personnes. Là encore il s'arma de patience, observant ses allées et venues dans Paris, ayant souvent quelqu'un pour lui rapporter ses moindres faits et gestes. Et alors il la rencontra « par hasard » dans un bar. Il usa d'une méthode plutôt classique, à savoir proposer un verre à une jeune fille assise seule derrière une table. Grace ne fut pas facile à convaincre mais Etienne finit par obtenir le numéro de téléphne et le nom de la jeune femme, se rapprochant déjà un peu d'elle – et surtout de son père.
Trois ans plus tard ils étaient en couple et Etienne obtint ce qu'il voulait : divers renseignements sur les services secrets américains. L'un de ses associés engagea alors un tueur à gages afin de se débarrasser d'elle, histoire qu'elle ne se mette pas à fouiller dans des affaires qui ne lui aurait certainement pas plu. Tout était parfaitement réglé, à la moindre seconde, au moindre geste... Le meurtre se serait déroulé sur un bateau alors qu'elle et Etienne étaient en croisière, quelques mois après qu'ils aient emménagé ensembles... Tout était parfait. Mais le tueur engagé avait, pour d'inexplicables raisons, trop hésité et la sécurité lui était tombée dessus, sauvant Grace d'une mort certaine. Etienne abandonna alors l'idée de la supprimer et se trouva une nouvelle cible : bien plus intéressante : le père, qui se montrait un peu trop méfiant ces temps-ci. Il y a peu il demanda Grace en mariage, celle-ci semblant s'éloigner de lui, fascinée par... Autre chose ?

En parallèle Etienne n'avait absolument pas laissé tomber ses autres activités, réussissant à infiltrer un « agent » au sein même de la CIA.