Finalement, ils avaient bel et bien atteint une troisième pièce. Celle-ci était semblable aux deux précédentes, le sol parsemé de roches ici et là, avec de grandes colonnes de pierre. La salle était peut-être à peine plus grande que les autres qu'ils avaient alors pu « visiter », mais rien de particulièrement flagrant. En somme, elle ne différait pas du reste du temple et ceci nécessitait donc de redoubler de prudence. Premièrement, ils avaient failli se faire transpercer par trois hommes armés. Secondement, Alekzander avait manqué de se briser tous les os du corps, ou presque, en tombant dans un trou d'une dizaine de mètres. Troisièmement, ils avaient traversé une fosse remplie de reptiles et insectes mortels en tout genre. Qu'est-ce qui les attendait, ensuite ? Le tout s'était d'ailleurs déroulé sans que personne ne pose de question quant à l'étrange sang-froid dont les trois coéquipiers du jour faisaient preuve. Alekzander faisait parti de la CIA, avec l'entraînement intensif que les autres agents et lui avaient reçu, il était prêt à faire face à plus ou moins toutes les situations. Yuliana, et il l'avait toujours su, bossait pour le SIS. C'était d'ailleurs pour ça qu'on l'avait « envoyé » afin de la rencontrer. Il n'avait jamais eu l'occasion de la voir en action, mis à part lors de leur charmante course poursuite au beau milieu de Moscou ; mais se doutait bien que là-bas, les agents ne se contentaient pas d'attendre posés dans un fauteuil. Quant à Lily Joy... Qui était-elle réellement ? Elle était jeune, certes. Si jeunesse rimait parfois avec intrépidité, mais tout de même ! Il y avait des limites...

La traversée de la moitié de la salle se passa sans aucun problème. Rien à remarquer, rien à l'horizon, rien à entendre mis à part le bruit de leurs propres pas sur le sol rocailleux. Il jeta un coup d’œil à Yuliana, se demandant si ils allaient s'éviter soigneusement pendant encore des heures ou non. C'était fou. Un fossé de plusieurs kilomètres s'était creusé entre eux deux, et ce en l'espace de trois ans à peine et il n'était pas certain de savoir, à supposer que cela soit possible, comment il devait s'y prendre s'ils voulaient recoller les morceaux. Ou au moins qu'ils soient capable d'avoir une conversation sérieuse, entre adultes, les yeux dans les yeux et sans se mentir. Certes, le moment ici n'était pas propice car Lily Joy était présente, mais il doutait fort que sa présence y soit pour quelque chose. Certainement que non. Qu'ils aient été seuls, accompagnés d'un régiment de soldats, de la Reine d'Angleterre, ou d'une étudiante, ils n'auraient pas échangé plus de mots.

Une nouvelle porte se dessina non loin, coupant net les pensées d'Alekzander, qui fit d'ailleurs remarquer :

« On dirait que cette pièce était vraiment plus calme. »

Passé, ils étaient passés. Si l’inconnue et Alekz étaient passé vite à la salle suivante, elle y était allée plus prudemment. La dernière fois, Alekzander était tombé dans un trou et elle était restée pétrifiée sans savoir s’il allait bien ou non parce que l’idiot n’avait pas daigné lui répondre. Non, cette fois-ci, elle irait plus prudemment.
« Je n’aime pas quand c’est calme. », murmura t-elle. C’était vrai. Avec du bruit, l’on pouvait aisément voir d’où le danger venait. C’était calme, trop calme. Elle n’aimait pas cela. Pas du tout. Alors elle pensa à autre chose en regardant, à la dérobée, son mari (du moins elle ne savait pas réellement quel était le terme approprié dans leur cas complexe) qui venait de sortir une phrase culte dans le but, surement, de les sortir de ce calme envahissant, dérangeant. Elle n’avait pas l’habitude de ce silence. Avec les élèves il était difficile d’avoir un moment pour soit et son temps libre, elle l’utilisait pour ses missions afin de ne pas penser à la famille qu’elle avait laissé de côté. Ne pas penser, ne pas y penser. Mais là rien, pas un petit bruit, pas un couinement d’un rongeur, rien ne pouvait l’empêcher de penser à sa vie d’avant. Tout lui amenait à y penser et la remarque très subtile d’Alekz n’y échappa pas. Elle ne savait pas réellement ce qu’ils allaient faire une fois sorti de ce maudit temple. Elle n’avait pas envie de parler. Pas maintenant, du moins. La brunette n’avait aucune raison d’être présente lors de la grande discussion… y allait-il avoir de grande discussion ? Elle n’en était pas certaine. Si cela se trouve, leur rencontre se terminerait comme à Saint-Pétersbourg. Caduc. Cul de sac.

Pourtant il lui manquait. Chaque moment passé loin de lui était un peu plus difficile et plus encore, elle avait envie de revoir Kerian, de le serrer fort dans ses bras même si lui n’avait que peu de souvenir d’elle. Il n’avait que trois ans quand elle est partie. « En tout cas ce trésor, il a intérêt à être grand. Je n’ai pas envie d’arriver et de voir qu’on nous a roulés dans la farine. »

S’il n’y avait rien, si quelqu’un était passé avant eux, seraient-ils réellement venu pour des cacahuètes ? Son regard se posa sur Alekzander. Définitivement non mais cette question restait non répondue et fantomatique. Elle ne pourrait pas le fuir indéfiniment. Nul doute : ils devraient parler.

Nous avions atteint une autre pièce semblable aux précédentes. Les mêmes vestiges décoraient la pièce de taille convenable, mais étrangement un silence de plomb y régnait. Par expérience ça n'annonçait jamais rien de bon la plus part du temps, la prudence était donc de mise. Nous avions déjà fait les frais de notre inattention en tombant dans une fosse, et de justesse nous avions passé une fosse remplit d'immondes insectes en tout genre. Pour l'adrénaline j'avais eu ma dose personnellement.

Alekzander était à la tête de notre petite troupe et je le suivais de près. La jolie blonde, elle était derrière marchant à un rythme plus tranquille. Je comprenais sa prudence. Cette femme et le patron se connaissait, je l'avais tout de suite remarquer au début de notre petite chasse au trésor, mais je n'avais toujours pas eu de réponse en ce qui concernait la nature de leur relation. L'idée que c'était sa femme m'avait rapidement traversée l'esprit, mais normalement elle était morte. C'était impossible ... Tout aussi impossible que Alekzander soit un agent de je ne sais quelle agence ... C'était confus, mais d'un côté ça ne me regardait pas.

▬ Espérons que ce soit la bonne pièce, je trouve cette chasse aux trésor un peu longue.

Tout en traversant la pièce, je me demandais de quelles agences le patron était attaché. Il avait fait preuve d'un très grand sang-froid durant notre périple, et il avait prouvé qu'il savait utiliser une arme à feu. Quel genre de patron de casino possédait ce genre d'aptitude ? Je ne me rappelais pas qu'il avait été soldat. Et s'il n'était pas soldat, ni flic je ne voyais que l'agent secret d'envisageable. Cette question pouvait aussi s'appliquer sur la jolie blonde. Elle avait les mêmes capacités que le patron. Force physique, sang froid, maniement des armes ... Et elle était russe. Soldat elle aussi ? Si je devais donner mon opinion, j'aurais mis ma main à couper qu'elle soit du SVR. Mais je n'avais pas de preuve. Voilà une situation cocasse. Moi j'étais de l'APO. Autant dire que professionnellement on ne s'entendrait pas vraiment tous les trois. J'espérais intérieurement que Alekzander ne me demande pas d'explication plus tard. Le motif de ma présence ici n'avait pas convaincu.

Félicitations, vous êtes finalement arrivés à bout de ce temple.
Le trésor se dresse devant vous sans aucun piège pour vous arrêter.
Dans votre prochain post, prenez le trésor et sortez du temple.

Finalement, il sembla à Alekzander que Lily Joy avait assez bien résumé ce qu’ils pensaient tous de cette chasse au trésor : elle commençait à durer un peu trop longtemps. D’ailleurs, depuis quand avaient-ils commencé ? Une heure ? Deux heures ? Plus ? Pour être honnête, il n’avait pas surveillé sa montre. D’un autre côté, lorsqu’ils se faisaient attaquer, qu’il se retrouvait au fond d’un immense trou, ou alors qu’il leur fallait tous traverser un fossé rempli d’insectes ou de reptiles en tout genre, il avait d’autres préoccupations que le temps qui passait. Une nouvelle salle apparut rapidement. Bon… Cette fois, sur quoi ils allaient tomber ? Des mines planquées dans le sol ? Les murs qui allaient se mettre à rétrécir ? Des pics éjectés de nulle part ? Une autre bonne surprise du genre ? Ou peut-être qu’avec un peu de chance ils arriveraient à la salle du trésor, qui sait.

Et finalement… Jackpot ! Se dressait devant eux une statue en or, assez grande, peut-être 150 centimètres environ. Elle devait représenter une espèce de divinité inca, même si, à vrai dire, la mythologie n’était pas forcément le point fort d’Alekzander. Ca, c’est fait songea-t-il. Après, une deuxième pensée lui vint presque immédiatement. Comment allaient-ils faire pour la ramener ? Sans parler des problèmes techniques, bien évidemment. Mais à la base ils auraient dû être seuls, et l’agent de la CIA se retrouvait en compagnie de sa femme et d’une jeune femme qui travaillait pour lui, et qu’il appréciait. Evidemment, ils n’allaient pas s’entretuer. Côté argent, il s’en moquait pas mal, ce n’était pas le motif pour lequel il était venu ici – autant être honnête, tout ce qu’il gagnait grâce à son job « officiel » suffisait largement pour qu’il puisse se payer à peu près tout et n’importe quoi. Il tourna la tête vers les deux jeunes femmes : « Et maintenant qu’on l’a, comment on s’arrange pour la ramener ? Ensemble ? » Puisque c’était visiblement la seule solution envisageable.